Tu as peut-être l’impression qu’il n’y a rien à dire de plus sur Savasana qu’être allongé.e en fin de séance et attendre la fin du cours ? Dans ce cas, j’espère que cet article te montrera toutes les nuances de cette posture mais surtout son importance ca-pi-ta-le.
Notre société met en avant le mouvement, l’action, le fait de toujours avoir quelque chose à faire, mais regarde l’immobilité comme de la paresse et de l’oisiveté. C’est pourtant oublier que seul le repos permet l’action.
Origines
Savasana se prononce « chavasan-a » et se compose de asana (आसन) la posture, et sava (शव) le cadavre. La posture du cadavre ? Et oui ! Dis comme ça, ça peut faire peur ou rebuter alors découvrons ensemble les origines de ce nom.
📚 Selon le Hatha-Yoga-Pradîpika, traité de Hatha Yoga indien datant du 10e siècle, Savasana y est décrit comme “la posture de relaxation par excellence”.
Le traité continue et indique les points suivants : “Le sol doit être plat, la colonne vertébrale droite, les paumes tournées vers l’extérieur (selon la manière traditionnelle de disposer les morts), le dos doit adhérer au sol comme dans le sommeil.”
Voilà donc une possible explication pour l’origine du nom : chercher l’immobilité absolue en imitant l’inertie d’un corps ne pouvant plus bouger, sans vie.
Une autre perspective possible vient de la tradition yogique qui dit que “Shiva sans Shakti est Sava”.
Dans la tradition tantrique, Shiva représente l’état de Pure Conscience et Shakti est l’Énergie Créatrice. Cette énergie représentée par Shakti est ce qu’Anodea Judith* appelle le “courant de libération”, celui qui part du corps physique vers notre conscience. Sans cette énergie créatrice, la conscience n’est pas manifestée, incarnée.
Shiva sans Shakti est donc un Sava, un cadavre, immobile, inactif, passif. Il n’y a pas de Shiva sans Shakti et le yoga est, d’une part l’union de ces deux polarités et de l’autre, le dépassement des polarités.
De manière plus symbolique, on pourrait également associer la pratique de savasana à son propre rapport à l’impermanence : tout est cycle à l’infini, la mort suit la vie, l’inaction suit l’action, l’expire suit l’inspire.
Anatomie
D’un point de vue anatomique, savasana est une posture de retour à l’essentiel.
A titre de comparaison, la posture de l’enfant – balasana – pourrait faire penser avec son dos arrondi à un retour à l’état premier de notre colonne, tout en rondeur. Là où balasana ne fait que reproduire la courbure primaire de la colonne vertébrale du fœtus, Savasana va encore plus loin dans ce retour à notre essence.
Cette posture s’appuie en effet en premier lieu sur les courbes primaires du corps : arrière des talons, mollets, cuisses, fessiers, sacrum, haut du dos et arrière du crâne.
🧠 Petit point anatomie de la colonne vertébrale
Les courbes primaires sont dites convexes ou cyphotiques. Ce sont les parties de la colonne vertébrale qui sont développées in utero. A la naissance, la colonne vertébrale va créer sa première courbe secondaire – la lordose cervicale. Les courbes secondaires se développent doucement et atteignent leur forme finale vers l’âge de 10 ans.
Pourquoi ça fait du bien ?
Savasana permet avant tout à tous les muscles principaux de se relâcher.
📚 Selon le Hatha-Yoga-Pradîpika, “le but de cette posture est de dissiper la tension et la fatigue provoquées par l’exercice des asanas, et grâce à l’interaction du corps et de l’esprit, d’amener aussi la pensée à un état d’immobilité et de repos total.”
Cette posture induit un lâcher-prise total – l’absence de mouvement et la concentration sur le souffle porte notre attention vers l’intérieur.
L’immobilité facilite la libre circulation de l’énergie (ou prana) et permet au corps d’intégrer la pratique qu’il vient d’effectuer.
En s’ancrant dans le présent, dans son souffle, dans l’immobilité consciente, on apaise le mental et on peut ainsi, en revenant à l’essentiel, lâcher prise complètement au niveau physique, émotionnel, mental et énergétique.
Savasana permet la connexion pleine de l’esprit au corps.
Comment pratiquer ?
Bien entendu, en s’allongeant au sol ! Mais essayons d’affiner un peu la posture 😊
Balayons le corps en savasana pour observer ces différents points :
- Pieds avec un écart plus grand que la largeur des hanches.
- Jambes allongées, dans une position de repos naturelle avec une légère rotation externe.
- Bassin en position neutre, trouver l’équilibre entre bascule avant et arrière
- Courbe lombaire neutre (présente mais non exagérée)
- Ventre relâché
- Torse modérément ouvert
- Omoplates décontractées et éloignées des oreilles
- Bras dans la longueur du corps, légèrement ouvert, paumes des mains vers le ciel
- Mâchoires relâchées
🌬 Savasana permet d’expérimenter l’observation neutre du corps sans effort musculaire. Il faut toutefois faire ici un focus sur le souffle.
La posture permet de se concentrer sur la respiration profonde, mais consciente, à la différence de l’état de sommeil. Le corps n’a pas à lutter contre la pesanteur dans cette posture et peut se reposer totalement.
Dans cet état de relaxation intense, il faut désormais trouver le juste équilibre entre ne pas contrôler sa respiration et la laisser prendre une cadence inconsciente. Se placer en observation neutre de son souffle est un exercice complexe qui demande une pratique sans cesse renouvelée.
Il est donc intéressant de coupler savasana à des pranayamas – exercices respiratoires – avant d’être en immobilité complète, afin d’augmenter l’état de profonde relaxation.
Variations et modifications
- Variations sur l’ouverture des jambes et des bras, selon l’espace que l’on veut naturellement prendre
- Ramener les jambes en forme de losange avec la plante des pieds en contact
- Mains sur le corps (sur les côtes OU une sur le ventre et une sur le cœur)
On portera une attention plus particulière dans les cas suivants :
- Pour les problématiques de blessures (ou douleurs) aux genoux / au bas du dos : placer un coussin sous les genoux (de type bolster ou traversin)
- En cas de cyphose prononcée : un coussin sous la tête et le cou pour soulager la posture
La seule véritable contre-indication à cette posture est en cas de grossesse (proche dernier trimestre) : il est préférable de s’allonger sur le côté, avec un soutien contre un bolster.
On pratique ?
Je t’invite à pratiquer cette posture, 10 minutes tous les jours, pendant une semaine.
Attention ! Je ne te propose pas de faire la sieste !
Bien que tu puisses totalement t’allonger sur ton lit ou ton canapé pour la pratiquer, reste dans l’observation neutre de ton souffle. Tu verras que demeurer immobile, ne serait-ce que 10 minutes, sans penser à tout ce que tu dois faire dans ta journée, n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.
Tu peux également pratiquer à la fin de ta séance de yoga (en direct, sur Youtube ou autre), en rajoutant 10 minutes de savasana.
Si l’idée de rester 10 minutes totalement immobile t’angoisse, vas-y par étapes.
Pour adoucir la pratique dans les premiers temps, tu peux :
- écourter la séance de 10 à 5 minutes
- effectuer des exercices de respiration la première moitié du temps
- mettre une musique douce (la playlist du mois ou n’importe quel morceau qui te parlera).
💜 Le dernier morceau de la playlist de décembre, “I release control”, est tout à fait indiqué pour cela et il dure 7 minutes. Cela peut être un très bon exercice pour approcher avec douceur savasana si tu as tendance à ne pas tenir en place. Quand tu seras habitué.e à te poser de la sorte en musique, tu pourras progressivement l’enlever pour pratiquer l’observation neutre de ton souffle et de ton corps. Ne brusque rien et prends autant de temps qu’il te faudra, tu n’es en compétition avec personne.
Comme d’habitude, je te recommande de noter tes impressions après ta pratique. Si tu as le carnet de suivi du workbook du mois de Novembre 2020, tu peux tout à fait réutiliser ses pages pour une pratique sur 7 jours. Mais un simple carnet fera tout aussi bien l’affaire !
J’espère que tu auras apprécié cet article sur Savasana et que cela te donnera envie de toujours te réserver des moments de repos pour te ressourcer.
[Cet article est initialement sorti en format newsletter en décembre 2020]