Le terme pranayama fait l’objet de livres et d’années d’études et d’expériences dans la pratique du Yoga. Il recouvre autant des notions physiques qu’énergétiques et mentales. Il me semble judicieux, au lieu de vouloir embrasser en une fois toute la complexité que recouvre le mot pranayama, de commencer par la base : qu’est-ce qu’il se passe dans mon corps lors d’exercices respiratoires ?
Dans cet article, je t’explique ce qui se passe naturellement dans ton corps pendant la respiration – autant d’éléments qui seront importants à savoir lors d’exercices respiratoires.
Comprendre les mécanismes de son corps, c’est travailler avec lui dans la pratique yoguique et non le contraindre comme une simple machine.
Le pranayama est la gestion de l’énergie vitale à travers des exercices respiratoires. J’ai déjà évoqué la pratique de Nadi Shodhana dans un article précédent – mais il existe énormément de techniques différentes.
Toutes ont la même caractéristique de base : le contrôle du mouvement de l’air dans le corps, à travers l’inspiration et l’expiration de l’air. Pour certaines pratiques, on ajoutera également la rétention de l’air, poumons pleins (à la suite d’une inspiration – antar kumbhaka) ou poumons vides (à la suite d’une expiration – bahir kumbhaka).
Reprenons ensemble en détail les interactions entre l’air et notre corps.
Je commencerais par une citation de Kristin Leal dans le tome 1 de MetaAnatomy – que je pourrais honnêtement écouter des heures parler d’anatomie – sur la respiration dans le yoga :
“ Il peut être facile de négliger ou de sous-estimer la puissance de la respiration. En ce moment, sans y penser du tout, en ne lui organisant aucune fête bien méritée, le souffle vous livre 11 000 litres d’air chaque jour. C’est suffisant pour remplir 10 millions de ballons dans une vie ! Cette respiration emprunte un chemin sinueux à travers 2400 kilomètres environ de voies respiratoires dans vos poumons et 100 000 kilomètres environ à travers le système cardiovasculaire.
Tout ceci sous la direction du commandant – le cœur – qui bat de façon désintéressé, en moyenne 3 milliards de fois dans une vie. Certains des textes anciens du Yoga affirment que nous ne recevons qu’un nombre fini de respirations dans une vie et qu’il est donc préférable de les ralentir et d’encourager chacune d’entre elles à rester un peu plus longtemps dans ce corps. Que vous le croyiez ou non, explorer le pouvoir de la respiration peut vraiment transformer votre pratique et votre vie.”
Le but de cet article n’est pas d’être exhaustif sur tous les plans concernés par la respiration, aussi je ne traiterai pas de la respiration en tant que mouvement automatique du corps. Je vais me focaliser sur les deux mouvements dont on parle le plus dans les cours de Yoga : inspire et expire.
Inspirer par le nez ou la bouche, c’est quoi la différence ?
Commençons par une question que l’on se pose souvent quand on commence la pratique du yoga : pourquoi me demande-t-on d’inspirer particulièrement par le nez ?
Lors d’un cours de yoga, on indique plus souvent l’inspiration par le nez que par la bouche (même si cela n’est pas exclu et que certains pranayamas mettent en avant l’inspire ou l’expire par la bouche). Cette indication a une raison physique précise.
A l’inspiration, les membranes muqueuses de l’intérieur du nez vont humidifier l’air, le réchauffer mais également le filtrer.
La filtration de l’air se fait grâce à une pilosité interne (c’est-à-dire : les poils du nez) et au mucus sécrété par des glandes permettant de retenir certains corps étrangers non désirés – que l’on expulse souvent par un réflexe bien connu du corps : l’éternuement.
Ce traitement de l’air est la première phase de préparation avant son voyage à travers notre corps.
Le trajet de l’air dans le corps
Prenons un instant et ralentissons le temps pour regarder tout ce qu’il se passe une fois que l’on a entendu “inspiration par le nez” dans notre cours.
A l’inspiration, l’air passe à travers les narines et y est filtré. Il rebondit sur les sinus caverneux et crée un mouvement interne que l’on peut qualifier de turbulence. Ce mouvement accentue l’effet de filtration et réchauffe l’air au fur et à mesure qu’il entre dans le corps. L’air descend ensuite dans le pharynx et le larynx.
Notons ici que le larynx contient les cordes vocales, qui peuvent s’ouvrir ou se refermer pour réguler la vitesse de l’inspiration. On retrouve cette volonté de contraindre et réduire le souffle avec les muscles des cordes vocales lorsque l’on pratique la respiration Ujjayi.
L’air continue son trajet et va se séparer dans des conduits bien connus sous le nom de bronches qui le mèneront jusqu’aux poumons. De là, l’air inspiré va encore se séparer en centaines de milliers de petits chemins à travers le corps. Nous arrêterons ici notre description du trajet de l’air inspiré, qui pourrait continuer encore bien longtemps et se perdre en autant de détails que de molécules d’oxygène.
Ainsi, chaque inspire, volontaire ou non, contrainte ou non, vient nourrir notre corps d’oxygène et participe à la circulation de l’énergie vitale dans le corps – le prana.
Au-delà du simple fait de respirer qui, tu en conviendras, est plutôt bienvenu pour un corps en vie, regardons maintenant l’impact de la respiration sur le corps et dans notre pratique. Je ne vais pas m’attarder sur les poumons ici mais sur un muscle clef dans les exercices respiratoires et le yoga : le diaphragme.
Respiration : le rôle du diaphragme
Le diaphragme est un muscle qui sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale. Son rôle est fondamental dans la respiration : c’est par sa contraction et son relâchement que la ventilation pulmonaire se crée, et donc que nous pouvons respirer.
Ce mouvement de contraction / relâchement est automatique et contrôlé par le système nerveux central – dont tu peux retrouver un rapide schéma dans la partie “Nadi, Sushumna, Ida et Pingala” de l’article sur la pratique de Nadi Shodhana.
Bien évidemment, nous pouvons également contrôler ce muscle – c’est la base même des exercices respiratoires et donc, l’outil premier dans les pranayamas, la gestion de notre énergie vitale.
Mouvement du diaphragme
Quand on inspire, le diaphragme se contracte et s’aplatit dans un mouvement vers le le bas, étirant le cœur et les poumons et comprimant les organes abdominaux.
Quand on expire, le diaphragme se détend et remonte en formant un dôme, étirant les organes abdominaux.
Donc, contrairement à ce que l’on pourrait croire, quand on inspire le diaphragme va vers le bas et vers le haut quand on expire.
Voilà pourquoi, quand nous prenons une grande inspiration, nous pouvons sentir une expansion dans le ventre, par ce mouvement vers le bas du diaphragme qui pousse nos organes vers le bas. Notre corps crée ainsi de la place pour l’air que nous inspirons et accentue naturellement son expulsion.
Je ne sais pas toi, mais je ne cesserai jamais de m’émerveiller devant la beauté de la Nature et de chacune de ses créations !
Diaphragme et fascias
Le diaphragme est également attaché à différents tissus conjonctifs dans le corps : des fascias.
Les fascias, de manière très succincte, sont des membranes fibro-élastiques qui entourent nos organes et comblent les espaces dans notre corps entre ces derniers. Retenons ici simplement que ces tissus sont gorgés de collagène et que leur bonne santé dépend largement de notre taux d’hydratation.
La partie supérieure du diaphragme est reliée aux fascias entourant le cœur et donc le péricarde (sorte de sac à double paroi protégeant le cœur) et aux poumons (les deux plèvres entre les poumons et la cage thoracique).
La partie inférieure du diaphragme est reliée aux fascias abdominaux (le péritoine – je vous épargne les schémas en mode autopsie bide ouvert, you’re welcome).
Le mouvement mécanique créé par les inspirations et les expirations affecte donc une très grande part de nos organes, bien au-delà des poumons. Le travail sur la respiration a des impacts sur toute la santé de notre corps.
Diaphragme et psoas
On parle très souvent des psoas en yoga – qui mériteraient à eux seuls un article détaillé. Les psoas sont les muscles qui initient le mouvement de flexion au niveau de l’articulation de la jambe. Ils traversent le corps depuis le bas des vertèbres thoraciques et le début des lombaires jusqu’au devant du pelvis (et même le haut du fémur). Ce sont les psoas que nous activons lorsque nous marchons ou lors de réflexe de repli sur nous ou pour partir à toute vitesse lorsque nous nous sentons menacés.
Notre bien aimé diaphragme – qui semble être sur tous les bons coups concernant le corps – est relié à la fois aux lombaires et à nos fameux psoas. On pourrait même dire que du diaphragme vers les psoas, il n’y a pas vraiment de séparation, et que cela ressemble plus à un seul et même grand muscle plutôt que des parties très distinctes.
On les étudie souvent séparément en anatomie dans le simple objectif de catégoriser et de comprendre le fonctionnement de chaque organe. Mais il ne faut pas perdre de vue que absolument tout dans le corps est relié.
Donc, dans ma pratique yoguique (ou autre), quand je travaille sur mes psoas, il y aura forcément un impact sur ma respiration et inversement, les exercices respiratoires ont un impact sur les psoas et mes hanches. Et oui, ce qui peut paraître n’être qu’un simple exercice de respiration a des impacts bien plus profonds sur notre corps et notre santé.
Afin de ne pas écrire une thèse sur le sujet en une seule fois, je te donne rendez-vous dans de futurs articles pour continuer d’explorer les pranayamas dans tous leurs aspects : énergétique, philosophique (notamment à travers les Yoga Sutras de Patanjali) et des exercices pratiques détaillés.
J’espère que cette exploration anatomique du souffle t’aura plu et qu’elle donnera de nouvelles perspectives et perceptions à ta pratique.
Merci pour ta lecture !
1 Response
[…] cette optique, après avoir regardé à la loupe notre système respiratoire avec l’article Anatomie du souffle, explorons comment le chouchouter et en prendre soin avec les […]